Les fauteuils d’orchestre

Les fauteuils d’orchestre

Voici 2 extraits d’une lettre de Guy de Montlaur annonçant à sa mère son retour d’Amérique en France fin 1948.

GdM APP 48 08 28 extrait 1

et la fin de la lettre :

GdM APP 48 08 28 extrait 2

Ne vous inquiétez pas à notre sujet : s’il doit y avoir une révolution ou une guerre, nous préférons les fauteuils d’orchestre.

Voici un extrait d’une lettre que lui écrit Guy Vourc’h le 1er octobre 1948 :

…Vous choisissez un drôle de moment pour revenir en Europe : tout le monde parle de guerre - tout le monde la croit inévitable. Le fait qu’Aron ne la croit pas possible avant 10 ans me la fait craindre d’un moment à l’autre (tu sais la constance avec laquelle il s’est toujours trompé dans ses prévisions politiques).

La situation politique est très trouble et très incertaine. Le gouvernement actuel est à l’image de son président. Il n’a été accepté que  pour sauver la face pendant la session de l’ONU. Il ne lui survivra pas. Après, le déluge…

Un peu plus tard, le 9 janvier 1951, Guy Vourc’h :

…Je trouve la situation plus déprimante que jamais. Je me refuse à choisir entre ce que je considère comme deux maux : cette pseudo-civilisation américaine où l’homme est asservi par l’argent, et cette barbarie de l’est qui tient par le Parti, la police, que sais-je ! Dans les deux cas, quelle décadence, quelle déchéance, quelle misère ! Nous sommes écrasés par le jeu des puissances, sans avoir une chance de faire entendre notre voix. Peut-être cette passivité qui est la mienne, cet accablement, sont-ils marque de lâcheté ? Pourtant, je voudrais que les choses soient aussi simples qu’en 40-45 : pas d’hésitation, alors ! on pouvait choisir sans se tromper.

Mais aujourd’hui, un choix serait une abdication, je crois ; il me parait plus digne bien que plus difficile, de rester en dehors de cette folie, d’essayer de garder quelqu’impartialité qu’il est possible ; sans me lancer, tête baissée et à l’aveugle dans la mêlée. Ce n’est pas l’action que je redoute : mais quel sens à l’action, s’il n’y a pas, pour l’appuyer et lui donner son sens, une mûre réflexion, une volonté claire, une adhésion libre de tout l’être ? Me voici devenu objecteur de conscience, ou presque !

Le passé n’est pas plus simple que le présent.