Publié le 24/07/2023 par Michael — Guerre
… La troupe 1 a été la plus éprouvée. L’enseigne de vaisseau Guy Vourc’h qui la commandait a été touché sur la plage ainsi que les deux chefs de section (officier des équipages Pinelli, maître principal Faure). Elle a eu, au traverser de la plage, 5 tués et 23 blessés graves. Le second maître de Montlaur, qui était le plus ancien des officiers mariniers, prend le commandement de cette troupe. La troupe 8 aura dans la matinée 1 tué et 17 blessés ; parmi ces derniers, le lieutenant de vaisseau Kieffer qui, malgré un large éclat de mortier à la cuisse, participera à l’action.
Après une sorte de reclassement du personnel valide, la troupe 1 se met en route, saluée au passage par le colonel Dawson qui lui crie : “Allez-y ! Nous comptons sur vous”. Il a été blessé par balle à l’épaule gauche et par éclat à la tête. Chacun se dirige vers son objectif. L’ancien casino, tapis dans le sable, attend la troupe 1. (…) Cette troupe emprunte la route qui longe le littoral, vers l’est, en suivant les rails de l’ancien tramway. Il n’y a pas d’autre solution sur une trentaine de mètres : ce qui est fâcheux, car le feu allemand l’accompagne dans la même direction. Elle perd deux hommes. Obliquant à gauche, elle franchit la grille d’une petite propriété et progresse à couvert pendant 300 mètres environ, mais le tir l’a suivie et ce château minuscule à toit pointu se trouve singulièrement écorné. Le bosquet qui la couvre à la vue est devenu cible. (…)
Les pertes françaises sont de 66 hommes dont 10 tués. … Les troupes françaises prennent contact avec le peu de population que compte Riva-Bella : les gens sortent finalement des abris où ils ont passé la nuit. Parmi eux on trouve quelques romanichels qui, extraits de Dieu sait quels camps, ont été employés par les Allemands pour construire le “Mur de l’Atlantique”. Comme les Normands, ils paraissent étonnés que ceux qu’ils pensent être des soldats britanniques soient français.
On prend un repos d’une demi-heure, au cours duquel de nouvelles munitions sont distribuées. Vers 13 heures, les Français qui cette fois ferment la marche, s’engagent sur la route de Colleville. Ils suivent un itinéraire déjà emprunté dans la matinée par le n° 6 commando : Colleville, Saint Aubin d’Arqunay (qui avait été plus particulièrement dur à emporter), Bénouville où ce commando avait fait la liaison avec les hommes du 9ème bataillon de parachutistes. L’arrivée de Lord Lovat, accompagné de son “piper” personnel, les excuses qu’il présenta au Major Howard pour son retard (de quelques minutes) sur l’horaire prévu furent, parait-il, un spectacle émouvant. Les deux ponts qui traversent le canal, l’Orne et une bretelle qui les joint avaient été capturés pendant la nuit. Les postes de garde et les sentinelles avaient été mis hors de combat avant qu’ils aient eu le temps de faire sauter les ponts. C’est en souvenir de cette action que le pont tournant sur le canal s’appelle aujourd’hui “Pegasus Bridge”, puisque Pégase est l’emblème des troupes aéroportées britanniques qui avaient cette nuit-là rendu à leurs camarades un insigne service. Il avait été prévu, en effet, qu’il ne serait peut-être pas possible d’empêcher cette destruction et qu’on aurait à franchir l’eau sur des canots pneumatiques et sur des “goatley boats”.
Les enregistrements audio sont extraits du témoignage de Guy de Montlaur le 6 juin 1969 sur Europe 1 à l’occasion du 25ème anniversaire du débarquement.