1936

Avant de parler de 36, il faut remonter au 6 février 1934. Guy était à l’école Sainte Croix de Neuilly et ses collègues fréquentaient plus l’Action Française que le Parti Communiste. Le 6 février 1934, il se retrouve entraîné à 15 ans dans une manifestation qui va le marquer durablement. Il refuse de se laisser embarquer dans une mouvance d’extrême droite contraire à sa morale catholique. En 36, en vacances à Biarritz, il voit de ses propres yeux les effets de la guerre civile espagnole. Ses convictions se trouvent renforcées par l’intervention des fascistes italiens et des nazis au côté des putchistes franquistes. En fait, il est convaincu depuis longtemps et malgré son jeune âge qu’il faudra probablement encore se battre contre les allemands. Il a tendance même à le souhaiter : c’est son vœu lors de sa confirmation. Il a aussi un esprit de vengeance par rapport à son père dont la santé a été gravement altérée par les gaz de combat de la guerre de 14-18 et qui est mort jeune, à cinquante ans. Et puis, à l’époque, il semblait naturel à certains de combattre certaines idées. Il aura l’occasion physique de le faire plus tard.

1936 c’est l’année de sa rencontre avec Adelaide Piper Oates, née à New York en 1920. Elle traverse l’Atlantique à seize ans pour étudier les beaux-arts à l’Académie Julian. Elle repère ce beau jeune homme et accepte une première invitation à déjeuner. Ce qui a été déterminant dans leur entente est l’extrême lenteur avec laquelle ils déjeunaient. Enfin, c’est ce qu’ils aimaient à raconter. Elle habitait rue de Vaugirard, chez Mademoiselle Dercourt, je crois, qui lui a appris le français qu’elle parle toujours parfaitement. Le service militaire puis la guerre va les séparer. Cinq ans. Adelaide travaille au MoMA de New york de novembre 1940 à novembre 1942 puis au State Department, Office of War Information, 57th St New York jusqu’en mai 1943. Elle décide alors de retourner en Europe pour être plus près de Guy. Courageuse ou inconsciente ? Peut-être tout simplement amoureuse. Elle se rend à Lisbonne, pays neutre ayant une liaison aérienne régulière avec l’Angleterre. Elle doit prendre le vol Lisbonne Bristol le 2 juin 1943. Le 1er juin 1943, ce même vol est abattu par l’aviation allemande dans le Golfe de Gascogne. Aucun survivant. Parmi les victimes, l’acteur anglais Leslie Howard.

Elle décide malgré tout de prendre le vol suivant, le lendemain. Un autre point commun qu’ils avaient tous les deux est cette absence de peur, toujours.