Et la politique ?

En 1929, Guy a 11 ans et il est furieux contre les allemands. Son père est mort des suites des gazages qui l’avaient considérablement affaibli pendant “la grande guerre”. Le souhait de Guy, jeune enfant, est qu’il y ait une nouvelle guerre contre les allemands pour pouvoir se venger. C’est simple la vie à 11 ans.

Dans le milieux aristocrate du côté de Paris XVIème et Neuilly sur Seine, on ne fréquente pas vraiment les “masses populaires”. C’est vrai en 2010, mais dans les années 30, ça ne l’était pas moins. C’est tout naturellement que Guy côtoie des sympathisants de l’Action Française et des Camelots du Roi.

Côtoie mais n’adhère pas. Pourquoi ? Déjà, il aime bien se distinguer et a un sens aigu de la contradiction. Il refuse aussi qu’on lui dicte sa pensée. Si, à 16 ans, il a pu être attiré par les royalistes, à 18 ans son engagement antinazi et antifasciste est définitif : durant l’été 1936, en vacances à Biarritz, il est témoin du massacre des Républicains espagnols par les franquistes assistés par les nazis allemands et les fascistes italiens. A 18 ans, il a affiné la révolte de ses 11 ans.

Toujours avant-guerre, il aura l’occasion de côtoyer un autre milieu que le sien. Tous les matins, avant d’aller étudier la philosophie à la Sorbonne, il va à Maison-Laffitte entraîner les chevaux de courses avec les lads du coin. C’est là qu’il appréciera les p’tits gars de banlieue qui lui apprendront la vraie vie. Cette expérience lui servira pendant la guerre où il était extrêmement apprécié par les hommes de troupe avec lesquels il parlait le même langage. Un respect mutuel les unissait.

Après-guerre il a été choqué par le maintien des préfets vichystes par De Gaulle. Toutefois il s’est vite aperçu qu’on ne pouvait pas éliminer tous les “collabos”. Et d’ailleurs il était scandalisé par les “résistants de la dernière heure” et leur chasse aux sorcières et autres exécutions sommaires. Ayant une totale aversion pour Pierre Laval, il n’a pourtant pas compris cet acharnement à le “ressusciter” après sa tentative de suicide, pour le remettre devant le peloton d’exécution. Tout ça pour dire que Guy de Montlaur n’avait plus rien à prouver quant à la hauteur de son courage, mais qu’il était doté d’une hyper-sensibilité qui le faisait réagir contre ces situations où il fallait laisser au peuple assouvir ses plus bas instincts. Encore une fois, analyser les situations, ne pas se laisser emporter par les effets de masse, garder son propre jugement.

Pendant les années 50 et 60, il a eu de longues discussions avec ses amis de combat, ses amis de la résistance, ses amis qui avaient survécu aux camps de concentration. Je me souviens un peu de quelques unes de ces discussions. C’était une épreuve à chaque fois, pour lui et pour nous, ses enfants. A l’époque, personne ne parlait de ça, la guerre était trop proche. Chez nous, oui, on en parlait. Moi, j’écoutais, je n’avais rien à dire. Forcément, ma conscience politique a du s’éveiller à ce moment là. Je n’étais même pas lycéen…

Il appréciait De Gaulle, évidemment, mais n’approuvait pas sa politique et notamment son attitude vis-à-vis des Anglais et des Américains. Il avait une reconnaissance surprenante pour Staline qui, disait-il, avait été déterminant pour éradiquer le nazisme. Vers la fin de sa vie, il s’est brouillé avec beaucoup, à ce sujet. Il a même voté communiste. Peut-être l’était-il devenu, dans le sens noble du terme, bien sûr.

Toujours est-il que son parcours politique a été atypique. L’époque l’était aussi. L’engagement était fort, dans un sens ou dans l’autre. Il est resté fidèle au sien.

Il y aura encore beaucoup de commentaires politiques à faire sur ce blog, ce n’est qu’un début… !