Publié le 04/09/2017 par Michael de Montlaur — Divers
J’ai connu Guy de Montlaur pendant 25 ans. En fait pendant 20 ans, les 5 premières ne m’ayant laissé que peu de souvenirs. Je l’ai donc connu comme enfant, adolescent puis jeune adulte.
Enfant, je le regardai peindre, ça ne le gênait pas. Je me mettais quand même à quelques mètres et me faisait discret. Il faisait toujours pareil : d’abord un dessin au fusain sur la toile blanche délimitant des zones comme une carte avec des champs. Ou le dessin figuratif comme sur la photo suivante
En cliquant sur cette photo, vous pouvez voir la construction géométrique (ici, le rectangle d’harmonie).
Puis l’application de la peinture au couteau dans chacune de ces zones.
Voici une peinture que Montlaur a réalisé dans les années 70 mais qu’il n’a pas achevée. Sur la première photo, la peinture est très abîmée puisqu’elle n’a pas été vernie. La deuxième photo représente la peinture restaurée en 2015. On retrouve le rectangle d’harmonie.
Cette première étape était suivie d’une période plus ou moins longue ou la peinture reposait. Le peintre aussi (peut-être). Pour ma part, il m’arrivait de le regarder se raser, cela me fascinait… C’était le remplissage d’une seule zone avec le blaireau moussant le savon, puis le rasage proprement dit avec une autre sorte de couteau. Un genre d’action suivi de son contraire que je ne devais pas très bien comprendre, à l’époque.
Ensuite, ce qui n’était qu’une représentation à deux dimensions en prenait une troisième, le volume la 3D l’épaisseur, un peu comme le plan de l’architecte se transpose en bâtiment, des fondations jusqu’à la toiture. Du trait de fusain au glacis. La quatrième dimension, le temps, vient compléter cette affaire et ce n’est pas le plus simple.
Pour le rasage, c’était simple mais minutieux et tous les jours pareil. Pour la peinture, c’était simple aussi puisqu’il avait tout prévu avant. C’était minutieux aussi et techniquement maîtrisé. Pour la guerre, c’était simple, minutieux et réfléchi puisqu’il avait aussi tout prévu (objectifs, plans, matériel). Et là, je n’étais pas témoin.
Mais j’ai trouvé ces cartes dans les papiers gardés par mon père :
Celle-ci pliée de telle façon que la zone Ranville Amfreville Bavent soit rapidement accessible. Apparemment elle a pas mal servi.
Et celles-là de la région du débarquement de Flessingue (1er novembre 1944) :
Ces deux cartes montrant la zone correspondant au texte suivant :
Le 12 novembre, les 3 Royal Marine Commandos et le n° 10 Commando Interallié (Hollandais, Belges, Norvégiens et Allemands anti-nazis) n’étaient pas arrivés à nettoyer le nord de Walcheren. Il fut décidé que le Commando franco-britannique serait chargé de l’opération et pousserait jusqu’à Vrouenpolder. Partis de Dombourg à 01h00 ils atteignaient Vrouenpolder à 08h00 après avoir ratissé tous les blockhaus. Du nord au sud les français étaient dans l’ordre suivant : section MONTLAUR, section SENEE, section CHAUSSE, section HULOT. Les troupes britanniques étaient plus à l’intérieur des terres. Le dispositif n’était plus qu’une grande vague d’assaut, sans couverture. Le 13 novembre à 09h00, Vrouenpolder était pris. …
Alors ces cartes devaient être dans son barda qu’il porte sur cette photo :
Cette photo a été prise à Flessingue sur Buskenstraat avant le 8 novembre 1944 puisqu’elle fut publiée dans le Daily Sketch le 8 et vue ce jour là par ma mère en Angleterre qui fut (un peu) rassurée sur la santé de son mari !
Tout ça pour dire que c’est ce même Guy de Montlaur qui savait ce qu’il faisait, au moins en ces trois situations, même quand il se rasait.