Roland Gabriel

Roland Gabriel

Voici un extrait de ce que le S.M. Guy de Montlaur écrit à propos du 10 juin 1944 :

Contre-attaque Allemande du 10 juin

Le 10 juin, après une nuit relativement calme (si l’on ne tient pas compte des inconvénients qui sont ceux d’une “guerre de positions” - et bien que ces positions soient seulement vieilles de 3 jours) les Fusiliers-Marins Commandos étaient en train de prendre un paisible petit déjeuner à base de chocolat (des rations K) et de bon lait normand, quand le tir allemand commença. C’était toujours le même calibre : 88 mm. Un bon nombre des hommes de la troupe 5 se trouvaient dans la ferme du PLEIN. On n’avait laissé à chaque BREN gun qu’un tireur et on se relayait pour, à tour de rôle, boire son chocolat et manger ses tartines de bon pain français (fabriqué sur place, par les habitants) bien beurré. Petite note personnelle : une tuile est tombée sur ma gamelle de bon chocolat au lait (préparé par GABRIEL) pendant que je suis sorti repérer un sniper.

Il était environ 06h30. L’ennemi avait évidemment choisi la ferme comme objectif. Les tuiles des toits commençaient à descendre dans la grande cour quand les Commandos regagnèrent chacun la position qui leur avait été assignée. Le S.M. qui commandait la troupe 5 était à l’extrême droite du dispositif, en liaison avec les K.guns, quand un obus démolit le haut du clocher de l’église du PLEIN. La gauche de la position était plus étoffée en armement grâce aux deux mitrailleuses Vickers. Très vite le feu allemand devint intense. De gros éclats rouges et fumants tombaient sur les tranchées des français qui avaient été soigneusement repérés depuis le 6. Le matelot Louis BÉGOT entre autres, servant du Bren gun de droite eut le maxillaire inférieur arraché et dut être transporté jusqu’à l’église du PLEIN dans une brouette. (Il fut d’ailleurs emmené en jeep jusqu’à Arromanches, embarqué pour la Grande Bretagne. Opéré une première fois le jour même, il devait après une longue suite d’opérations avoir une mâchoire artificielle. Deux ans furent passés à l’hôpital de East Grinstead, Sussex, où il fut admirablement traité par le célèbre chirurgien Sir Archibald McIndoe… On alla jusqu’à lui greffer le bras sur la figure.)

Il y eut aussi trois tués et deux autres blessés, ce qui est peu, si l’on tient compte de ce qui se préparait.

Il était 08h00 - soit après une heure et demi de bombardement intensif - “les Allemands… attaquèrent avec deux forts bataillons dans le but de chasser la Brigade du relief de terrain dont le point stratégique était Le PLEIN” (The story of the Commandos, par Hilary St. Georges Saunders, P.272). Ces deux bataillons avaient un effectif de 1400 hommes. La troupe 5 qui tenait Le PLEIN était composée à 08h00 de 19 hommes (plus les servants des deux mitrailleuses Vickers et leur officier). La section K.guns et la troupe 8 pouvaient tirer les attaquants sur leur flanc gauche. Le N°3 Commando sur le flanc droit. Mais le point “névralgique” si l’on peut dire, Le PLEIN, était singulièrement dégarni. Deux autres Fusiliers Marins furent alors blessés ce qui réduisit la troupe à 16 officiers mariniers, Q.M. et matelots.

Le Brigadier Général Lord Lovat donna alors l’ordre au N°3 Commando de contre-attaquer. Il faut signaler qu’à ce moment les hommes de la 12ème SS Hitlerjugend avançaient lentement par bond - donnant l’impression qu’ils savaient bien utiliser le terrain et qu’ils savaient aussi que le nombre de leurs adversaires occupant Le PLEIN était assez limité.

Le N° 3 Commando était commandé par le Lieutenant Colonel Peter Young (29 ans, D.S.O., M.C., + 2 bars). En dépit de son jeune âge, il savait à quoi s’en tenir en matière de combat. La légende voulait qu’à Salerne il ait débarqué le premier de son unité suivi de son Adjudant Major… il y avait aussi Vaagso.

Il lança sa contre-attaque à 10h00 à partir du Château d’AMFREVILLE, direction plein sud. Il déploya tout ce qui lui restait de commandos (environ 300 gradés et hommes) sur une seule ligne qui allait du Château d’AMFREVILLE à l’ouest jusqu’à la ferme de LONGUEMARE à l’est. Ses troupes ne s’arrêtèrent que quand elles eurent atteint les abords de BREVILLE. ENtre le Château d’AMFREVILLE et BREVILLE il y avait eu les 1400 hommes de deux bataillons de la 12ème SS Hitlerjugend Division.

Dès le début de la contre-attaque du n° 3 Commando, il est bien évident que tout feu en provenance du PLEIN cessât. La Troupe 1 qui s’y trouvait aurait risqué de tirer sur les hommes du Colonel Young. Les deux bataillons SS interprétèrent mal ce silence. Ils crurent à un décrochage. Comme d’autre part ils étaient pris à partie sur leur flanc gauche par la Section K-guns et la troupe 8, c’est sur ces dernières qu’ils dirigèrent leur action. Ce qui explique les pertes subies par les français (3 morts : QM. FOURER, Mat CROIZER, Mat GERSEL et 6 blessés graves : S.M. LAVEZZI, S.M. MARIACCIA, QM CHAUVET, Q.M. LE BRIS, Mat. JUNG et Mat. GRINSPUN). Les allemands ignoraient l’attaque qui se préparait sur leur flanc droit. La configuration du paysage normand permet une utilisation du terrain idéale. Aussi les commandos britanniques furent-ils pratiquement sur eux, sur ce qui était devenu leur arrière, avant qu’ils aient eu le temps de se rendre compte du traquenard dans lequel ils étaient tombés. Il s’ensuivit un désordre indescriptible. Les officiers allemands, pris sous le feu des français, ne pouvaient plus donner d’ordres à leurs “arrières” qui eux étaient en contact direct avec les britanniques. Leur dispositif de combat se trouvait “à l’envers”. C’est, certainement, la raison de leurs très lourdes pertes et de leur échec final.

Dans la soirée, ce qui restait de la Troupe 5 fut replié sur le carrefour des ECARDES.

A 400 mètres plus bas, au carrefour qui joint le chemin vicinal qui va du PLEIN à la route départementale d’Houlgate à Ranville, il y avait une maison où les rescapés de la troupe 5 (16 hommes sur un effectif de 58) trouvèrent un repos qui n’était pas absolument immérité.

Toutefois, ils eurent un réveil brusque et matinal. Les deux sentinelles qui avaient été placées à l’ouest et à l’est de la route départementale dormaient peut-être. Le Second-Maître responsable de ce petit monde dormait certainement. Par contre, les gens de la 12ème HJD voulaient savoir ce qu’il se passait ce matin du 11 juin dans la région qu’on peut délimiter par les noms de Merville, Sallenelles, Le Plein et Amfréville. Comme de bons soldats qu’ils étaient, ils franchirent les lignes alliées et, parce qu’ils étaient courageux, ou que leur chef n’avait pas peur, ils continuèrent leur chemin. C’est ainsi qu’ils parvinrent au carrefour des Ecardes vers 05h00. Ils n’étaient pas plus d’une trentaine. Ils étaient appuyés par deux canons auto-tractés de 88 mm qui avaient emprunté la route de Cabourg. Cette route n’était pas défendue. L’opération fut bien menée. Les 16 Fusiliers-Marins (peut-être moins les 2 sentinelles) ne se réveillèrent que quand le toit commença de leur tomber dessus. Il est vraisemblable que c’était une erreur de faire tirer les canons de 88 mm d’abord. Il eut été préférable, en silence, de pénétrer dans la maison et de tuer tranquillement les dormeurs. Il est inutile de préciser que les dormeurs, dont il est question, tout équipés qu’ils dormaient, ne mirent pas longtemps à se retrouver sur le chemin vicinal qui, en 500 mètres, peut conduire au canal de l’Orne. L’échauffourée coûta aux français un mort (l’Infirmier Pierre VINAT) et quatre blessés graves ( Q.M. LOSSEC, Q.M. RICHEMONT, Mat. Roland GABRIEL et Q.M Félix MAGY. On ne compta pas le nombre de morts et de blessés allemands : l’ordre de rejoindre Hauger fut transmis, à peine les Hitlerjugend avaient-ils tourné les talons. Cet ordre émanait du major Mendey qui avait pris la succession du Colonel Dawson, évacué la veille. Une grenade offensive allemande avait éclaté dans le pied gauche du Matelot GABRIEL. La blessure paraissait insignifiante. Chacun connait ces grenades peintes en vert dont était dotée la Wermacht. La coque est d’aluminium. La charge en poudre n’est pas importante. C’est plus un jouet (un pétard) qu’une arme de guerre. Elle fait penser à l’actuelle grenade O.F. française. Ce n’est pas une chose qu’on voudrait prendre au sérieux. Et pourtant, le matelot GABRIEL manqua mourir une semaine après son évacuation sur l’Angleterre. Les médecins qui le traitaient n’avaient pas pris plus au sérieux cette grenade que quiconque l’a jamais vue. Une nuit, GABRIEL se réveilla dans un lit trempé. Étonné, il alluma et vit que ses draps étaient rouge de sang. Il eut assez de force pour appeler une infirmière. Le garrot puis la transfusion firent le reste.

Et voici ce que Roland Gabriel écrit à Adelaide de Montlaur le 14 juin 1944 :

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42 ans plus tard, après s’être vus aux cérémonies du 6 juin 1986, Adelaide de Montlaur lui envoie ce petit mot :

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Et la réponse de Roland Gabriel

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Et voici un dessin qui se trouvait rangé avec la lettre du 14 juin 1944 :

Personality