Les satyres et les pyraustes
Les égypans les feux follets
Et les destins damnés ou faustes
La corde au cou comme à Calais
Sur ma douleur quel holocauste
Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon âme et mon corps incertains
Te fuient ô bûcher divin qu’ornent
Des astres des fleurs du matin
(Guillaume Apollinaire, Alcools, La chanson du Mal-Aimé, Voie lactée)
La Licorne et le Capricorne, peinte en 1974, trois ans avant sa mort, fait partie des peintures les plus achevées de Montlaur. La technique qu’il a acquise lui permet d’exprimer sur la toile ce qu’il ne pouvait dire avec des mots. Il écrit : « (La peinture) m’apparut comme le moyen justement de dire ces choses importantes dont nous ne pouvions parler ». Il rajoute : « je ne comprends pas [que les gens] ne puissent deviner toute la détresse qui est là, sous les yeux, comme elle était à la guerre : la clameur, la mort, l’amour, la trahison, le mensonge et la peur. Et beaucoup plus encore que je ne puis dire, mais que je sais faire. Je dis bien : je sais faire. » (Petits écrits de nuit)
Apollinaire, déjà, avait expliqué que la peinture de Picasso était un « admirable langage que nulle littérature ne peut indiquer, car nos mots sont faits d’avance. Hélas ! » (Journal intime).
Dans le poème, Apollinaire reproche à sa douleur de « doubler » ses destins, c’est-à-dire de faire fuir son âme – la licorne – de son corps – le capricorne. La douleur étant l’amour, bûcher divin qui dure toute la nuit (des astres aux fleurs).
On retrouve ces symboles dans la peinture : le capricorne est la silhouette verte, vue de profil, en haut et à gauche du tableau. La licorne a la forme d’un cœur, rouge, bleu et blanc à droite du centre de la peinture. La douleur-bûcher est la tache de lumière jaune-vif et rouge dans le quart supérieur droit. On devine une forme (un cheval noir ?) et des créatures difficilement identifiables dans le bas du tableau.