Montlaur avait une grande admiration pour Gérard de Nerval. Plusieurs peintures font référence à la mort tragique du poète : « La nuit du 25 janvier 1855 rue de la vieille Lanterne » et « La mort du poète », ainsi qu’à ses œuvres écrites juste avant qu’il ne se suicide: « Je suis l’inconsolé », « Les filles du feu » et « La nuit d’Aurélia ».
Le poème en prose « Aurélia ou le rêve et la vie » narre les rêves-hallucinations de Nerval, et son amour pour Aurélia, morte, qu’il ne peut rencontrer qu’aux Enfers. Il dit sa propre folie ce qui, selon Albert Béguin, est un acte poétique par excellence (L’âme romantique et le rêve, José Corti, 1939, p.358). Nerval mentionne traduire ses souvenirs en traçant des dessins coloriés – « séries de fresques » – qu’il accroche sur le mur de sa chambre d’hôpital. La frontière entre rêve (délire) et réalité (lucidité) est toujours floue, incertaine. Montlaur ne pouvait qu’être touché par les descriptions du poète.
L’abstraction permet au peintre-lecteur de transmettre sa perception d’« Aurélia » au spectateur du tableau « La nuit d’Aurélia ». Là, il maîtrise parfaitement l’art de reproduire le flou des formes et des couleurs. L’hallucination-folie envahit tout le tableau, on perçoit des formes humaines en premier plan « Les contours de leurs figures variaient comme la flamme d’une lampe, et à tout moment quelque chose de l’une passait dans l’autre ; le sourire, la voix, la teinte des cheveux, la taille, les gestes familiers, s’échangeaient comme si elles eussent vécu de la même vie, et chacune était ainsi un composé de toutes. » (Aurélia, Coll. Le livre de poche, p.27). En arrière-plan, une étoile géante – Aurélia métamorphosée ? – aux bras protecteurs. Un ciel nuit-noire.